Qu'est-ce qu'une thèse ?

Par Bernard Ycard (1997).

A débattre le plus largement possible.
Merci de retourner commentaires et propositions à Patrick.Witomski@imag.fr .

Plan du document


Ce document est issu d'une réflexion concertée d'enseignants et de doctorants, au sujet du Contrat de Thèse, élaboré par l'association HotDocs . Il ne s'agit pourtant pas d'une contre-proposition, ni d'un contrat de thèse bis. Notre but n'est pas de fixer des règles, mais plutôt de décrire un état de fait, dans un but d'information. Information des candidats au doctorat sur le déroulement de leurs études et leurs perspectives d'insertion, mais aussi information des employeurs industriels sur le contenu de la formation par la recherche que valide un diplôme de doctorat.

Ce qu'est une thèse dépend bien sûr de la personnalité du doctorant et de son directeur. Mais la règle du jeu peut varier en fonction de la discipline et même de la spécialité. Certaines particularités disciplinaires seront évoquées au fil du texte. Pour le reste, nous avons tenté d'extraire un dénominateur commun de la multiplicité des situations observées. La plupart des chiffres cités sont issus du Rapport sur les Etudes Doctorales publié par le MENESR en décembre 1996. Par exemple, sur les 364 thèses de mathématiques soutenues en 95 en France, 23,3 % l'ont été par des femmes, et 20,5 % des 765 thèses d'informatique (la langue française est ainsi faite que nous ne parlerons que de doctorants et de directeurs).

S'engager dans une thèse

Choix du sujet

Jacques Hadamard raconte qu'il recevait souvent des demandes de sujets de recherche mais qu'il n'en concevait pas une haute opinion du demandeur. Selon lui, un véritable chercheur, même débutant, devrait être capable de créer ses propres problèmes. Aujourd'hui le point de vue s'est adouci, et on considère que l'autonomie scientifique est un des objectifs plutôt qu'une condition nécessaire à l'inscription en thèse. Le candidat choisit un directeur en fonction de ses goûts et de sa motivation, ce qui fixe nécessairement le domaine. Mais c'est le directeur, s'il accepte le candidat, qui proposera un sujet, ou plutôt un embryon de sujet qui sera développé, cerné et réorienté au fur et à mesure de l'avancée des recherches, des lectures d'articles, et des rencontres avec d'autres spécialistes.

Dans une forte proportion de cas, le sujet de thèse prolonge le DEA, sans que cela soit une règle absolue. De nombreux doctorants changent de directeur après leur DEA, voire même d'université ou de discipline. Certains, en particulier venant de l'étranger, n'ont jamais passé de DEA.

S'engager dans une thèse est une décision importante tant pour le candidat que pour son directeur. Le premier doit être sûr de sa motivation et de son enthousiasme. Le second prend pour plusieurs années la lourde responsabilité de la formation de son élève. Entre les deux, une relation très étroite va s'établir. Cette relation personnelle joue un grand rôle et une bonne entente est une condition importante du succès. Dans nos disciplines, les abandons sont de l'ordre de 15 % des premières inscriptions. Un abandon est toujours traumatisant tant pour le candidat que pour son directeur. Une bonne discussion préalable avec information et évaluation de la motivation du candidat pourrait éviter ceux des abandons qui sont dus à une mauvaise orientation initiale. Sauf exception assez rare, les formations doctorales de mathématiques et informatique de Grenoble n'autorisent la poursuite en thèse qu'aux étudiants ayant obtenu au moins la mention AB au DEA.

Sans tomber dans une classification simpliste, on peut distinguer deux types de thèses, que nous désignerons par "académiques" et "industrielles". Les premières donnent lieu à des publications dans des revues ou des actes de conférences de type universitaire, et ouvrent traditionnellement sur les carrières de la recherche publique ou de l'enseignement supérieur. Les secondes, réalisées dans le cadre d'un contrat d'application, ou directement dans le service recherche et développement d'une entreprise constitueront une première expérience professionnelle aisément valorisée dans une future recherche d'emploi. Elles se prolongent d'ailleurs souvent par un CDD ou un CDI dans la même entreprise. Il serait faux d'affirmer qu'un docteur "académique" ne trouvera pas d'emploi industriel : même si son travail de thèse a très peu de chances d'intéresser directement une entreprise, ses qualités personnelles, sa formation et son autonomie pourront le faire préférer à d'autres candidats. A l'inverse un docteur "industriel" peut candidater sur des postes de maî tre de conférences. Il se présentera néanmoins avec un dossier de publications en général moins étoffé. Même à l'intérieur des sujets "académiques", certains sont plus porteurs que d'autres au moment du recrutement. Il serait évidemment absurde de ranger chaque thèse dans l'une ou l'autre des deux catégories. On doit plutôt parler d'un spectre continu allant des thèses les plus théoriques aux plus appliquées.

Le choix du sujet est d'abord affaire de goût et de motivation. Les candidats doivent cependant être conscients qu'il peut conditionner en partie leur insertion professionnelle et leur carrière future.

Financement

La règle veut que l'on n'inscrive pas un doctorant sans financement. Le but est d'éviter que des étudiants sans ressources ne s'épuisent dans des petits boulots mal payés au détriment de leur travail de thèse. Outre l'intérêt individuel, il est juste sur le plan des principes qu'un chercheur, même en formation, qui produit du savoir et participe à temps complet à la vie d'un laboratoire, soit rémunéré pour cela. Cette règle comporte évidemment des exceptions. Entre le doctorant logé, nourri et soutenu par sa famille, mais sans financement officiel, et l'étudiant étranger qui arrive avec une bourse insuffisante et irrégulièrement versée, la situation difficile sera celle du second. Fort heureusement, les exemples ne sont pas rares de doctorants sans financement qui soutiennent une thèse brillante en deux ans.

Les sources de financement sont extrêmement nombreuses et variées et vont bien au-delà des allocations de recherche du ministère auxquelles on pense d'abord.
Voici les répartitions des financements de thèses soutenues en France en 1995, en mathématiques et informatique.

Statistiques par Directions Scientifiques Pédagogiques et Techniques :
DSPT 1 : Mathématiques et leurs applications
DSPT 4 : Sciences et technologies de l'information,
DSPT 4.1 : Informatique, automatique, robotique, traitement du signal et des images.
DSPT 1 DSPT 4.1
Allocations de recherche MESR 105 266
CIFRE 5 50
Organismes de recherche 28 66
Associations et entreprises 15 61
Minstères et collectivités 6 38
Bourses d'écoles 22 15
Bourses pour étrangers 47 101
Bourses non précisées - 3
Financements stricto sensu 228 600
Salaires 29 77
Total financés 257 677
Thèses recensées 352 748
dont docteurs étrangers 149 240
% financé 73 91

La recherche d'un financement incombe de manière conjointe au candidat et à son directeur. C'est le directeur qui indiquera les différentes possibilités (région, CNRS, BDI, CIFRE), qui rédigera le sujet et une lettre de recommandation. Mais il arrive souvent qu'un candidat, par contacts personnels ou recherche systématique suscite un sujet industriel qui sera co-encadré à l'université.

Inscription

Vous avez un directeur, un sujet, un financement, il ne reste plus qu'à vous inscrire, en octobre ou novembre de la rentrée suivante. A Grenoble, l'établissement d'inscription, UJF ou INPG, dépend essentiellement de l'affiliation du directeur de thèse. Les règles de fonctionnement sont sensiblement les mêmes pour les deux établissements.

Le DEA est le diplôme requis pour une inscription en thèse (L'"autorisation de poursuivre" délivrée par le jury du DEA a une valeur d'engagement local mais son absence ne constitue pas un barrage administratif : un étudiant qui n'aura pas été autorisé sur Grenoble pourra trouver ailleurs un directeur de thèse et une université d'accueil.)

Les étudiants non titulaires du DEA qui souhaitent s'inscrire en thèse doivent faire la preuve qu'ils ont un niveau d'études équivalent (bac+5) et une première expérience de la recherche (mémoire rédigé ou publication). Leur dossier est examiné par la commission des titres et dispenses de l'établissement concerné. Cette commission se réunit habituellement en juillet et octobre.

Pour l'autorisation de soutenance, des inscriptions continues sont requises : pas question de ne s'inscrire qu'au moment de soutenir. A partir de la quatrième inscription, une dérogation devra être demandée, dûment motivée par le directeur.

Passer l'agrégation ?

La question ne se pose pas (encore) pour l'agrégation d'informatique. Le nombre de places à l'agrégation de mathématiques reste suffisant pour que de nombreux doctorants, effrayés par des informations catastrophistes sur le devenir des docteurs, considèrent comme une mesure de sécurité de la passer. Le ministère semble abonder dans leur sens puisqu'il a instauré un nouveau statut d'"allocataire agrégé". Les étudiants concernés peuvent, à l'issue du DEA, retarder d'un an leur inscription en thèse pour préparer l'agrégation, et conserver ensuite les avantages de l'allocation. Rien ne permet pour l'instant de prévoir le succès de cette mesure.

L'intérêt de l'agrégation en mathématiques est de fournir des bases solides et larges, évitant ainsi que la formation ne fasse du doctorant un spécialiste extrêmement pointu, parfaitement ignorant des résultats les plus élémentaires qu'il aura à enseigner, ou à utiliser plus tard. D'un autre côté, pour se donner de bonnes chances de réussite à l'agrégation, il faudra consacrer un an complet à sa préparation, au détriment du travail de thèse. Pour un candidat engagé dans une thèse industrielle, l'agrégation sera sans doute inutile. Pour un autre, engagé sur un sujet plus théorique, elle complètera utilement sa formation et constituera un plus dans ses dossiers de candidature. Il est impossible de donner des directives précises. La décision ne peut être prise que par le doctorant lui-même, après concertation avec son directeur de thèse.

Déroulement de la thèse

Durée

Les durées des thèses sont habituellement comptées en années d'inscriptions, même si la soutenance a lieu peu après la dernière inscription. Le nombre d'inscriptions ne reflète qu'imparfaitement la durée réelle des thèses. En effet, la majorité des soutenances a lieu entre juillet et décembre. De nombreux étudiants sont tenus de prendre une nouvelle inscription en octobre, alors que leur soutenance est prévue pour novembre ou décembre. Les durées moyennes réelles sont inférieures d'environ 3 mois aux durées moyennes en nombre d'inscription.
Voici les données (en nombre d'inscriptions) pour les thèses de 1995.

DSPT 2 ans 3 ans 4 ans 5 ans 6 ans et + Moyenne
DSPT 1 43 264 270 106 53 3,81
DSPT 4.1 53 561 580 169 118 3,82

On constate de grosses différences dans les durées. La durée médiane s'établit à 3,2 ans en mathématiques et 3,1 ans en informatique. Les durées des thèses à Grenoble sont dans la moyenne nationale. Une durée de 3 ans est considérée comme raisonnable, surtout si le sujet a déjà fait l'objet d'un mémoire de DEA. Mais par exemple, pour un collègue étranger qui ne peut effectuer que de courts séjours en France, une quatrième voire une cinquième année pourront être nécessaires.

L'âge du candidat et les délais dans lesquels il a obtenu ses diplômes sont des critères importants au moment du recrutement. D'autre part, la plupart des financements sont prévus pour un maximum de trois ans. Une quatrième année devra donc être financée par un poste d'ATER ou tout autre emploi qui retardera d'autant la rédaction. Voici quelques quantiles de la distribution des âges des candidats à la soutenance. A titre de comparaison, l'âge moyen au recrutement des chargés de recherche CNRS en mathématiques est de 27,3 ans (l'âge limite pour les candidatures est de 30 ans).

Premier Age Troisième Dernier
quartile médian quartile décile
DSPT 1 27,5 29 31,3 35
DSPT 4.1 28,1 29,4 31,5 env. 36

Cours

Certaines formations doctorales obligent leurs étudiants en première année de thèse à suivre des cours de troisième cycle afin de compléter leur cursus. Le nombre et le sujet des cours sont décidés par le directeur de thèse en concertation avec l'étudiant. Dans d'autres formations, cette participation est simplement conseillée. Obligatoire ou non, suivre des cours complémentaires est une saine pratique.

La principale qualité d'un chercheur est la curiosité, et son travail consiste, pour 90 % de son temps à apprendre, encore et toujours. Il ne faut pas hésiter à sortir le plus souvent, et le plus loin possible de son domaine d'expertise. Les avancées significatives isolées dans une spécialité sont rares. Très souvent, l'idée importante d'une thèse est un pont entre deux questions jusque-là déconnectées, ou bien l'application d'une technique classique dans un autre domaine. La diversité des idées brassées est une paramètre important dans le processus de maturation qui conduit au résultat principal.

L'ensemble des compétences qu'un doctorant doit acquérir ne se réduit pas aux seuls aspects scientifiques. Anglais, langages de programmation, recherche bibliographique, traitement de texte, rédaction, techniques de présentation orale, beaucoup d'autres compétences seront acquises au cours des années de thèse. L'essentiel de cet apprentissage se fera "sur le tas", avec l'aide de camarades ou du directeur de thèse. Pour l'anglais, ou les langages de programmation, suivre des cours peut être plus rapide. L'école doctorale peut aussi organiser de tels cours à la demande de groupes d'étudiants suffisamment motivés.

Suivi

Dans le déroulement d'une thèse typique, on peut distinguer en gros quatre phases.

La première phase pourrait s'appeler l'"appropriation du sujet" . C'est une phase d'apprentissage et de recherche bibliographique intense.

La seconde phase est de longueur très variable, c'est la phase de "maturation" . C'est sans doute la période la plus difficile de la thèse. Le doctorant a souvent l'impression de "tourner en rond" et de ne pas avancer : le découragement le guette. Les remèdes à cette chute de moral sont des variations autour d'une idée commune, qui est de maintenir l'esprit occupé autour des mêmes thèmes pendant qu'il effectue, indépendamment de la volonté, son travail de connection. Tous les moyens sont bons : assister à des exposés, lire des articles, rédiger ce qui a déjà été compris, traiter des cas particuliers faciles, multiplier les calculs ou les tests sur ordinateur...

Puis se produit l'"illumination". Aboutissement de la maturation, elle est déclenchée de manière fortuite par une discussion, un article, un exposé. Elle peut arriver dans les lieux et aux moments les plus variés. En quelques semaines, voire quelques jours, le thèse est "terminée" : le noyau scientifique est trouvé et compris, tout s'éclaire.

Il ne reste plus dans la quatrième phase, de "mise en forme" , qu'à ordonner les idées, les relier aux travaux existants, ajouter des exemples et des tests numériques, rédiger un ou plusieurs articles et la thèse elle-même.

Tout au long de ces quatre phases, mais surtout au cours des deux premières, le directeur accompagne et soutient le doctorant. Son objectif est qu'il atteigne l'autonomie scientifique complète à la fin de la thèse. Il sera alors capable de formuler ses propres problèmes, de les résoudre et d'en publier la solution. Le suivi s'effectue lors de rendez-vous de fréquence variable, au cours desquels des objectifs à court terme sont fixés ou précisés. Peu espacés au début de la thèse (typiquement une fois par semaine), ces rendez-vous deviennent de moins en moins fréquents à mesure que l'étudiant acquiert son autonomie. Au début le directeur aidera l'étudiant dans ses recherches bibliographiques en lui fournissant quelques points d'entrée ou en lui expliquant le fonctionnement des bases de données. Il lui donnera des exemples simples à traiter. Des rapports de recherche partiels pourront être l'occasion de faire le point sur l'avancement des idées, ainsi que d'apprendre les techniques de rédaction.

Publications

La notion de publication diffère considérablement d'une discipline à l'autre. Chaque spécialité a sa propre hiérarchie, des plus sévères aux plus faciles. Alors qu'en informatique les conférences les plus prestigieuses ont un système de sélection extrêmement serré, en mathématiques, publier dans des actes d'un congrès est plutôt considéré comme une solution de facilité. C'est le rôle du directeur que d'évaluer un travail par rapport à la hiérarchie des revues ou des conférences et de choisir de le soumettre là où seront optimisés le prestige de la publication et les chances de succès.

Les publications sont un moyen d'évaluer la qualité du travail. Compte tenu des délais (fréquemment jusqu'à 2 ans après la soumission), il est peu réaliste d'exiger systématiquement une publication effective avant la soutenance. Cependant il est généralement admis qu'une thèse doit contenir la matière d'au moins une publication de niveau international. C'est le directeur ainsi que les rapporteurs qui décident que ce critère assez flou est satisfait.

L'importance des publications est moindre pour les thèses de type industriel. Pour les thèses académiques, la pression a augmenté ces dernières années au point qu'il y a maintenant peu d'espoir d'être recruté dans la recherche ou l'enseignement supérieur sans publication au moins acceptée, ou soumise avec des chances claires d'acceptation. Ceci pousse les doctorants à soumettre des travaux insuffisamment achevés, quitte à se rendre compte quelques mois plus tard que la publication devrait être réécrite. Il n'y a pas si longtemps, on recommandait de laisser un article achevé dans un tiroir pendant un an pour ne le soumettre que s'il avait résisté au temps. L'évolution actuelle est peut-être regrettable, mais elle est difficile à contrer sans pénaliser les doctorants.

Conflits

Malgré la bonne volonté des deux parties, il arrive parfois que le dialogue doctorant-directeur s'enraye. Cela se produit souvent pendant la période de maturation, difficile pour le doctorant, et pendant laquelle le directeur commence à relâcher son soutien pour aider à la prise d'autonomie. Il est important de ne pas laisser de petites frictions dégénérer jusqu'au conflit ouvert. La solution pour cela est la discussion, impliquant au besoin un tiers, autre doctorant, autre directeur, responsable de la formation doctorale ou de l'école doctorale.

Changer de sujet est un fantasme fréquent chez les doctorants en période de maturation. Il faut y résister, quitte à se changer temporairement les idées, en lisant autre chose, voire en prenant une semaine de vacances. Changer de directeur est encore plus déconseillé : on ne change pas de monture au milieu du gué. En règle générale, dans le cas d'un conflit qui laisserait une trace visible sur le dossier de candidature, il sera toujours difficile de faire admettre à une commission de recrutement ou à un DRH que les torts sont exclusivement du côté du directeur. Il en résultera inévitablement une évaluation fâcheuse des aptitudes du candidat aux relations individuelles.

Enseignement

Pour les doctorants qui se destinent à une carrière académique, il est important de s'initier le plus tôt possible à l'enseignement. Une bonne expérience assez variée, avec un rapport élogieux sur l'implication du candidat et son succès auprès de ses étudiants, constituent un plus important dans un dossier de candidature à un poste de maî tre de conférences.

Les allocataires MESR ont la possibilité de candidater à des postes de moniteur, pour un an renouvelable. Le monitorat comporte une obligation de 64 heures d'enseignement sur l'année, pour un complément de salaire d'environ 2000 F par mois. Pour ceux qui ne sont pas moniteurs, les UFR attribuent en général en début d'année un volant d'heures de vacations. Les doctorants peuvent en assurer dès leur première année de thèse, jusqu'à 96 heures par année universitaire. Ces vacations sont habituellement des heures de TD en première ou deuxième année.

Devenir docteur

Le manuscrit

Il est possible en théorie de soutenir une thèse sur un dossier de rapports de recherche et de publications. Il est également possible de produire un document qui est une juxtaposition d'articles soumis, plus ou moins connectés par quelques pages d'introduction. C'est prendre le risque de donner aux rapporteurs et aux commissions de recrutement l'impression d'un travail à l'économie. Rédiger en bon fran\c cais une thèse complète et claire est un excellent exercice.

TeX (et LaTeX ) se sont imposés comme standards, ils permettent de produire des "manuscrits" d'une qualité inimaginable il y a 15 ans. Le soin apporté à la rédaction, la correction orthographique et grammaticale, une présentation claire et harmonieuse sont autant d'éléments positifs. Il ne faut pas s'imaginer que le document ne sera pas lu. Même s'il ne vérifie pas à fond tous les détails, le rapporteur d'un dossier se rend aisément compte du niveau du travail et de la qualité de la rédaction. La précision des références et des liens avec la littérature sont un critère de qualité qui est également très facile à évaluer.

Les traitements de texte ont aboli les réécritures laborieuses de versions successives. Le doctorant doit néanmoins s'attendre à de nombreuses corrections sur sa version initiale, après ses propres relectures, plusieurs passages du directeur et les commentaires des rapporteurs.

Préparer la soutenance

C'est le responsable de la formation doctorale qui désigne les rapporteurs (en général sur proposition du directeur de thèse). Il en faut au moins deux, nécessairement extérieurs à l'école doctorale, et de préférence extérieurs à Grenoble. Le directeur propose également un jury qui, en plus de lui-même et des rapporteurs comportera au moins une, et jusqu'à 3 ou 4 personnes de plus.

Le directeur ne décide de soumettre la thèse aux rapporteurs que s'il considère qu'elle est prête pour la soutenance. Sauf conflit grave, il n'est pas envisageable que les rapporteurs envoient à l'université des rapports négatifs. Il est par contre assez fréquent qu'ils détectent certains problèmes qui nécessiteront de nouvelles corrections, voire dans les cas les plus graves, de retarder la soutenance. Les rapports sont donc toujours favorables, avec des nuances entre simplement favorable et enthousiaste.

L'établissement demande un délai de 3 semaines entre l'arrivée des rapports et la soutenance, pour délivrer l'autorisation et convoquer officiellement le jury. Il est raisonnable de laisser au moins un mois aux rapporteurs pour lire la thèse et rédiger leur rapport. Une fois le manuscrit envoyé le doctorant peut se consacrer à l'écriture d'articles et à la préparation de son exposé.

Le grand jour

Les rapports sont arrivés à temps, la salle a été réservée, le jury est arrivé, tout le monde s'installe. Le président du jury donne la parole au doctorant pour 45 minutes. Il n'est pas facile de résumer trois ans de travail en trois quarts d'heure, et une répétition préliminaire aura permis d'affiner le timing, et d'éliminer les fautes des transparents. Suivent les questions. Plus ou moins longues, elles ont pour but de mettre en relief les capacités du candidat à rebondir en temps réel, et donc sa maîtrise du sujet. Pour les thèses de type académique, il est bon que les qualités pédagogiques du candidat apparaissent lors de la soutenance et soient mentionnées dans le rapport de soutenance.

Puis le jury se retire pour "délibérer". Le temps paraît long mais le jury a trois choses importantes à faire. Il doit remplir et signer les documents administratifs, décider de la mention et rédiger le rapport de soutenance. La répartition des mentions est extrêmement fluctuante. Actuellement, la mention "honorable" est considérée comme une sanction rare. La mention "très honorable" est la règle. La mention "très honorable avec félicitations" doit rester exceptionnelle (de l'ordre de 10 %). Elle ne peut être délivrée par le jury qu'après un vote unanime à bulletins secrets. Dans la rédaction du rapport de soutenance, chaque mot est soigneusement pesé, de manière, là encore, à introduire des nuances favorables au candidat, au-delà de la délivrance du diplôme.

Puis le jury revient, le président annonce l'heureuse quot;nouvelle", le candidat est félicité par tout le monde, il ne reste plus qu'à boire.

Après la thèse

Débouchés

Depuis quelques années, des informations de plus en plus alarmistes ont circulé dans la presse sur les "docteurs chômeurs". La situation est extrêmement contrastée. Les taux de chômage dans nos disciplines sont assez bas, et les doctorants en mathématiques et informatique n'ont en général pas trop de problème pour trouver un emploi. La morosité ambiante a pour effet principal de provoquer un repli frileux et injustifié de certains doctorants sur leur thèse. Il ne s'agit pas non plus de masquer la réalité. Le nombre de postes offerts dans les établissements publics a fortement diminué, et il n'est pas sûr qu'il augmente beaucoup avant les départs massifs à la retraite des années 2005-2010. Dans de nombreux cas l'avenir des thésards passera donc par le monde industriel. Or actuellement l'image du doctorat dans le secteur privé n'est pas très bonne. C'est pourquoi il est nécessaire de valoriser ce diplôme, et cela en priorité par les doctorants eux-mêmes.

Plutôt que de continuer sur les généralités, voici les chiffres du ministère sur le devenir des docteurs 95 (situation observée en février 96) en mathématiques et informatique.

DSPT 1 DSPT 4.1
Post-doc 29 81
ATER 93 155
Ens. Sup. (hors ATER) 49 86
Organismes de recherche 25 40
Entreprises 16 142
Administration 5 10
Enseignement secondaire 17 13
Service national 7 10
Sans emploi 35 74
TOTAL (devenirs connus) 276 611

Candidatures

Nous ne reprendrons pas ici les nombreuses possibilités de candidatures dans les établissements publics d'enseignement et de recherche, en post-doc, en entreprise (voir en particulier le guide de candidature édité par la SMF). De nombreuses sources multiplient les conseils sur la rédaction de CV, des lettres de motivations, sur les entretiens ou les auditions. Voici deux idées générales.

Le dossier doit être complet. Outre le CV, il doit comporter au moins les rapports sur la thèse et le rapport de soutenance ainsi qu'une lettre de recommandation du directeur. Selon le cas, les publications seront jointes ou non. Si une publication est annoncée comme acceptée, il n'est pas mauvais de joindre la lettre d'acceptation. L'exagération (sans parler de la fraude) même si elle n'est que soupçonnée fait toujours mauvaise impression. Mais la modestie excessive n'est pas non plus conseillée.

Toute candidature doit être soigneusement préparée. Il est bon de faire relire le dossier par un tiers expérimenté, directeur de thèse ou autre. Les auditions doivent être répétées, également avec l'aide d'un tiers. On doit également avoir pris contact avec l'ABG. Ce n'est pas uniquement question d'amélioration de la qualité, il s'agit aussi, par une préparation minutieuse, de donner l'impression d'une forte motivation.

La préparation d'une candidature de type académique peut se faire aisément dans le cadre universitaire. Les candidatures dans le secteur privé sont plus difficiles dans la mesure o\`u le candidat connaît souvent mal le monde industriel. Préparer les doctorants à candidater en entreprise est l'objectif des Doctoriales, crées par l'ABG et l'ADR, et soutenues sur une plus grande échelle par le ministère depuis 96. L'école doctorale peut aider quelques étudiants à participer à ces séminaires. Un stage en entreprise peut également constituer une bonne introduction au monde industriel.

Carrières académiques

Nous ne parlerons pas ici des perspectives de carrière dans l'industrie. A la fois parce que celles-ci varient d'une entreprise à l'autre et parce que nous manquons d'information à ce sujet. Les carrières académiques sont très codifiées et uniformes en France. Il y a deux types de postes, avec dans les deux cas le statut de fonctionnaire :

Enseignant-Chercheur

Celui-ci doit assurer 192 heures annuelles d'équivalent TD, en plus de son travail de recherche et d'éventuelles charges administratives.

Chercheur

Son travail est consacré à la recherche, sa diffusion et son transfert vers les entreprises. Les rémunérations sont alignées sur celles des enseignants-chercheurs. En théorie, il est possible de devenir directeur de recherche sans être déjà chargé de recherche. Dans la pratique cela n'arrive presque jamais. Des échanges temporaires entre les deux types de carrières (enseignant-chercheur et chercheur) sont possibles : détachements, années ou semestres sabbatiques.


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Date de dernière modification : 26/2/1999.